Depuis plusieurs décennies, le débat sur l’identité du pharaon de l’Exode – cet épisode central des traditions biblique et coranique où Moïse conduit les Hébreux hors d’Égypte – divise chercheurs, croyants et amateurs d’histoire ancienne. Parmi les candidats souvent avancés figure Mérenptah, fils et successeur du grand Ramsès II. Si certains, comme Maurice Bucaille, ont soutenu cette thèse en s’appuyant sur des indices médicaux et coraniques, une analyse rigoureuse des sources historiques, archéologiques et textuelles permet de remettre en question cette identification. Cet article vise à démontrer pourquoi Mérenptah ne peut raisonnablement pas être le pharaon de l’Exode.
La stèle de Mérenptah : Israël est déjà en Canaan
Le premier élément décisif est la célèbre stèle de Mérenptah, datée de 1208 av. J.-C., qui mentionne pour la première fois dans l’histoire égyptienne le nom « Israël » :
« Israël est dévasté, sa semence n’existe plus ».
Cette inscription atteste de la présence d’Israël en Canaan à cette époque, ce qui implique que l’Exode et l’errance dans le désert doivent s’être produits au moins une génération plus tôt, probablement bien avant le règne de Mérenptah. Il est donc historiquement impossible que Mérenptah ait été le souverain poursuivant les Hébreux lors de leur fuite.
L’état de la momie de Mérenptah contredit une mort par noyade

Certains auteurs, comme Bucaille, ont proposé que les signes retrouvés sur la momie de Mérenptah indiqueraient une mort violente, possiblement par noyade, et une récupération rapide du corps. Or, les examens médicaux modernes révèlent un tout autre tableau :
- Pas d’eau dans les poumons.
- Pas de fractures ou lésions indiquant une noyade soudaine ou un traumatisme de guerre.
- Les traces de sel peuvent provenir du procédé de momification, et non de la mer.
La momie de Mérenptah ne fournit aucune preuve concluante d’une mort conforme au récit du pharaon noyé dans la mer.
Incohérence avec la chronologie biblique
Le texte de 1 Rois 6:1 dans la Bible affirme que l’Exode s’est produit 480 ans avant la construction du Temple de Salomon, construite vers 970 av. J.-C., ce qui situerait l’Exode autour de 1450 av. J.-C. Cette datation correspond mieux au règne de Thoutmôsis III ou Amenhotep II, plus d’un siècle avant Mérenptah.
Même en tenant compte de la possibilité d’une interprétation symbolique du chiffre 480, il est difficile de faire coïncider le règne de Mérenptah avec les grandes lignes du récit biblique.
Aucun bouleversement majeur sous Mérenptah
Les documents officiels et les constructions de l’époque montrent que le règne de Mérenptah fut relativement stable sur le plan intérieur, malgré des conflits en Libye et en Canaan. Il n’existe aucun indice d’un effondrement soudain de l’armée égyptienne, d’un bouleversement religieux ou d’un traumatisme national comparable à ce que le récit de l’Exode implique.
Un événement d’une telle ampleur aurait vraisemblablement laissé des traces dans les archives royales – or, celles-ci n’en disent rien.
Silence total des sources égyptiennes
Enfin, aucune source égyptienne contemporaine ne mentionne un épisode de fuite massive d’esclaves sémites ou un affrontement dramatique avec un certain Moïse. Certes, les Égyptiens avaient tendance à dissimuler leurs défaites, mais l’absence complète d’échos indirects ou d’allusions est frappante.
Conclusion
La thèse identifiant Mérenptah comme le pharaon de l’Exode repose sur des arguments séduisants mais insuffisants. L’état de sa momie, la stèle de son règne, la chronologie biblique, et l’absence de preuves archéologiques majeures contredisent cette hypothèse. Si la recherche du pharaon de l’Exode reste une entreprise complexe et controversée, les éléments à notre disposition rendent hautement improbable que Mérenptah ait joué ce rôle. D’autres figures, comme Amenhotep II, méritent davantage d’attention dans l’enquête historique sur cette énigme millénaire.